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mardi 26 décembre 2017

Okayama, ville de Momotarō-kun

Okayama, carrefour ferroviaire, routier et maritime sur les rives de la mer Intérieure, est connue pour être la ville d'origine du légendaire Momotarō-kun. Le ton est donné dès qu'on arrive dans la ville, avec la plaque locale, représentant Momotarō-kun et ses fidèles compagnons, un chien, un singe et un faisan:
Quelques plaques, plus rares, font la promotion de la propreté de la ville et de son réseau d'égouts:
Mais même pour cela, certaines plaques mettent à nouveau en scène Momotarō-kun:
Ce personnage légendaire est aussi représenté sur la plaque des pompiers. On l'aura compris: Momotarō-kun est omniprésent à Okayama, ses représentations s'affichent à tous les coins de rue, et même sous nos pieds!
Il est temps d'expliquer un peu mieux cette légende de Momotarō-kun... Pour faire court (il existe des variantes, plus ou moins longues), une vieille dame lavait un jour son linge dans la rivière, vers Okayama donc, et vit une pêche flotter sur l'eau. Un petit garçon en sortit: avec son mari, ils l'adoptèrent et le nommèrent Momotarō, littéralement "garçon venu d'une pêche". En grandissant, le garçon devint un gros paresseux: gros parce qu'il ne pensait qu'à manger (mais donc aussi très fort); paresseux parce qu'il ne faisait jamais rien. Un beau jour, son père l'envoya chercher du bois, mais contrairement aux autres enfants, il était trop fainéant pour couper du bois. Aussi, par facilité, il préféra déraciner un gros arbre entier et le rapporter chez lui. Alerté par la rumeur de cette force surhumaine, le seigneur du coin le convoqua et le chargea d'une mission: anéantir les démons de l'île d'Onigashima (en fait, c'est l'île de Megijima; Onigashima est la grotte des ogres, sur cette île), qui pillaient régulièrement la région. Tout fier, Momotarō-kun en oublia sa paresse et partit accomplir cette basse besogne. En chemin, il rencontra un chien, puis un singe et enfin un faisan, qu'il s'acheta comme compagnons grâce à des gâteaux préparés par ses parents pour la route. Arrivés sur l'île, Momotarō-kun, aidé de ses 3 compagnons, anéantit les démons, captura leur chef grâce à son sabre (il était très fort ET armé), s'empara d'un trésor (le butin des pillages) et délivra les habitants de l'île (voire de toute la région). Son retour fut glorieux et il devint (enfin) la fierté de ses parents, effaçant ainsi des années de fainéantise.
Cette légende locale est très célèbre à travers tout l'archipel: on comprend alors pourquoi Momotarō-kun est autant apprécié dans sa ville d'origine. En effet, on le retrouve absolument partout. Dès la sortie de la gare, on tombe dessus:
Le long des trottoirs, sa statue indique le passage pour les piétons (les passages suivants sont indiqués par son chien, son singe et son faisan):
L'entrée des boutiques est aussi décorée à son effigie:
L'idole a même donné son nom à une marque de jeans de la région; le jean étant une spécialité locale. Bref, Momotarō-kun est à Okayama ce que la Tour Eiffel est à Paris: une boussole, un phare dans la nuit... Mais la ville a bien d'autres atouts. En particulier, son jardin, Kōraku fait partie des jardins japonais les plus réputés. Cette notoriété n'est pas volée:
Ce parc date du XVII° siècle, et il est remarquable pour ses pavillons, ses ponts et sa végétation impeccablement entretenue. Petite astuce personnelle: afin d'avoir le paysage rien que pour soi, il est vivement recommandé de se rendre dans le jardin au moment où un gros orage est attendu; et là, il y a moyen de passer 2 heures contre un bâtiment, entre le mur et la gouttière, à contempler le jardin sans personne... C'est vraiment magnifique. Humide mais magnifique. Ce jardin jouxte le château de la ville. Pour s'y rendre, il suffit de franchir le pont au-dessus des douves. Ceux qui veulent passer directement dans les douves peuvent le faire, grâce aux pédalos en forme de canard:
Les amateurs d'OSS117 apprécieront cette petite touche de fantaisie. L'entrée du château est marquée par une boîte aux lettres assez originale:
Le phénomène semble de plus en plus répandu au Japon; après tout, si les plaques d'égout sont décorées, pourquoi les boîtes aux lettres n'en feraient-elles pas autant? Et enfin, le château, surnommé U-Jō ("Château du Corbeau") pour sa couleur noire, se dévoile enfin:
Comme beaucoup d'autres, il date de la fin du XVI° siècle, mais il a été reconstruit à plusieurs reprises, en particulier à la suite des bombardements de 1945. Les soirées d'été, cet imposant château fait l'objet d'une mise en scène très réussie:
Parasols multicolores et illuminations ornent la façade et le parc. La météo du jour a sans doute contribué à une faible fréquentation, mais c'est bien regrettable, car les flaques offraient des reflets plutôt intéressants:
Le périple ne serait pas complet sans une petite étape gastronomique. On pourrait s'attendre à ce que la spécialité d'Okayama soit la pêche. C'est un peu le cas, sur le papier du moins. En revanche, dans les magasins, le prix de la pêche (on n'envisage pas plus d'une) est rédhibitoire. Mais Okayama a d'autres ressources. Et la spécialité, plus accessible, et liée à la proximité de la mer Intérieure, c'est le sushi! Finalement, c'est un peu comme Momotarō-kun: la culture du Japon tout entier vient d'Okayama:
Bien sûr, on n'est pas obligé d'aller à Okayama pour déguster des sushis, mais ça a toujours plus de saveur lorsque c'est la spécialité de l'endroit où l'on se trouve. Pas de sushi de baleine ici (les poissons viennent de la mer Intérieure), mais la baleine se trouve parfois là où on ne l'attend pas. Par exemple, c'est à Okayama que j'ai goûté un melon-pan en forme de baleine:
Habituellement, le melon-pan tient son nom de sa forme, et non de son goût (le melon-pan est souvent nature, parfois seulement parfumé au melon); ici, cela devrait être un "whale-pan", mais il avait bien un goût de melon. Parce que oui, après avoir longuement hésité et admiré cette prouesse de la pâtisserie, je l'ai mangée avec moins de scrupules que si c'était vraiment de la baleine...

dimanche 15 octobre 2017

Au pays de Kiki

La plaque du jour n'est pas strictement géographique, mais plutôt thématique. En effet, il s'agit d'une plaque située à Katsushika, dans la banlieue de Tōkyō, et elle est dédiée à un personnage mondialement connu: Kiki (en français), ou Monchhichi (en japonais, son nom d'origine). Voici cette découverte:
Il y a bien un ancrage local tout de même, puisque l'entreprise Sekiguchi, qui a créé et commercialise Kiki, a son siège à Katsushika. Mais ce n'est pas ce coin de banlieue qui retient l'attention ici: il s'agit bien de Kiki, emblème (parmi d'autres, avouons-le) du pays. En France, tout le monde connaît Kiki, mais dans une version... classique. Honnêtement, lorsqu'on a vu Kiki au Japon, on trouve le Kiki français tristounet. En effet, au Japon, Kiki se décline sous toutes les variantes possibles et imaginables: toutes les tailles, toutes les générations, toutes les régions, tous les animaux, toutes les spécialités culinaires, et j'en passe. Les aéroports proposent un Kiki typiquement japonais, vêtu d'un kimono:
En rentrant avec un exemplaire dans votre bagage, vous ne laisserez aucun doute sur vos vacances au Japon! Mais il est possible de faire beaucoup mieux, avec les Kikis régionaux. Mon préféré est un des Kikis d'Okinawa, le Kiki patate douce (beni-imo):
Comme la région regorge de spécialités agricoles tropicales, les Kikis sont d'autant plus variés. Dans la région du Fuji-San, la célèbre montagne est aussi reprise pour un Kiki local:
Tout aussi fameux, le Manekineko (littéralement "le chat qui salue"), que l'on trouve dans toutes les boutiques du pays, fait aussi l'objet d'un Kiki:
Il serait donc dommage de se limiter aux aéroports: d'autres Kikis valent bien le détour... Après, si on creuse un peu plus, on peut dénicher des spécimens encore plus originaux. Par exemple, l'Empereur et l'Impératrice sont aussi représentés en version Kikis:
Pour ma part, je trouve que c'est un peu cher; mais après tout, si le couple impérial tombe dessus par hasard (c'est juste une hypothèse), il ne faudrait quand même pas les vexer en ayant l'air de les brader... Les grands de ce monde ne sont pas oubliés, qu'ils soient réels ou fictifs:
Je trouve Marilyn Monroe particulièrement réussie; je me souviens avoir croisé aussi Elvis Presley et Michael Jackson, mais ils ont dû échapper à mon objectif. Zut! Pour un cadeau de mariage, Kiki a encore su s'adapter:
En matière d'adaptation, on peut noter qu'il y a le mariage version japonaise et version occidentale; visez bien si vous souhaitez l'offrir pour des noces. On le voit un peu sur cette photo, Kiki est aussi décliné en plusieurs tailles, plusieurs générations (un bébé en haut à gauche), et plusieurs animaux. Pour les âges et les animaux, les variantes sont presque infinies:
Les mamies grisonnantes à lunettes sont assez savoureuses. Pour ce qui est des animaux, le Kiki grenouille est l'un de mes préférés:
Pour ce qui est des adaptations culinaires, on peut retenir le Kiki sushi (classique) ou encore le Kiki takoyaki (beignet de poulpe de la région d'Ōsaka, plus rare):
Bon, tout ceci n'est qu'une petite partie de ma récolte de Kikis. Difficile de faire le tour: chaque région a sa (ses) version(s), et les éditions limitées se renouvellent sans cesse. C'est donc un hommage mérité que les égouts viennent de rendre à la peluche de notre enfance!

samedi 18 mars 2017

Manabeshima, île aux chats (et de la BD)

Manabeshima n'est certainement pas un haut lieu touristique; pas même pour les Japonais, qui, en majorité, n'en ont jamais entendu parler. Pourtant, quelques reportages mentionnent parfois le nom de cette petite île de la mer Intérieure, car elle fait partie des fameuses "îles aux chats" japonaises: il s'agit des îles comptant plus de chats que d'habitants (humains). Mais depuis quelques années, il paraît que le nombre de touristes français connaît une forte croissance (cela dit, ça devait partir d'assez bas), en raison d'un livre: celui de Florent Chavouet, carnet de voyage consacré exclusivement à l'île. Le succès (mérité) de cet ouvrage a contribué à populariser cette destination, d'après ce que j'ai pu lire. Mais en pratique, il faut avouer que je n'ai pas croisé beaucoup d'étrangers lors de mon passage... Qu'importe (et à la limite: tant mieux!): les îles rurales (agriculture et pêche sont les principales activités), loin du tapage des grandes villes, ont beaucoup de charme; même si le déclin de ces espaces, bien visible, inquiète un peu. Et le plaisir d'avoir l'impression de "plonger dans la bande dessinée" n'a pas de prix. Pour preuve de la fidélité de ce carnet de voyage, les pages du livre correspondant aux photos seront indiquées entre parenthèses.
Pour ce qui est des égouts, la pêche est plutôt bonne (p. 114). La principale plaque est celle de la commune de Kasaoka, à laquelle appartiennent plusieurs petites îles, dont Manabeshima:
La bestiole représentée est un kabutogani, c'est-à-dire une limule, de type tachypleus tridentatus pour ceux qui aiment la précision (oui, parce qu'il existe plusieurs familles de limules). Des plaques plus petites reprennent ce motif:
D'autres plaques, plus rares, ont un figuré fleuri:
D'autres encore ont un design géométrique faisant penser à des feuilles:
Enfin, une toute petite plaque reprend une autre bestiole, non identifiée celle-ci:
N'oublions pas non plus les pompiers, qui font l'objet d'une page spéciale... Avant d'arriver à Manabeshima, il faut prendre le bateau à Kasaoka. En attendant le bateau, je découvre un vieux wagon désaffecté, avec un dormeur à l'intérieur (p. 11):
Visiblement, les traditions sont tenaces... ;-) Devant le port sont affichées les destinations desservies depuis Kasaoka (p. 140):
Manabeshima est l'île représentée en haut à gauche du dessin. C'est parti! La traversée en bateau est déjà un dépaysement:
En effet, le voyage est marqué par, outre la chaleur étouffante, la séparation du groupe Smap (LE boys band japonais). L'actualité internationale était chargée (avec les Jeux Olympiques de Rio notamment), mais la fin de Smap a été le seul titre développé lors du journal télévisé, qui a duré tout le voyage. L'arrivée sur l'île est ainsi d'autant plus attendue, et l'accueil est réussi, avec ce beau panneau de bienvenue (p. 8); en réalité, le ponton et le panneau ne sont plus exactement au même endroit:
Premier marqueur de l'arrivée sur l'île, le tampon local (p. 3) est disponible au port:
Mais surtout, tout un mur du port est occupé par la carte réalisée par Florent Chavouet (annexe):
On sent bien d'où vient le principal argument touristique! Mais une carte locale (p. 9) est aussi fournie:
Il y a donc quelques incontournables à visiter... Mais le plus drôle, lors de l'arrivée au port, est tout de même l'accueil réservé par Atsumi (p. 25):
Elle a deviné sans difficulté ma nationalité, et elle était toute fière de me montrer la page consacrée à sa famille dans le livre: belle mise en abîme! En sortant du port, une carte montre tous les spots de pêche de l'île (p. 141):
Le poulpe et le crabe sont apparemment les espèces les plus prisées. Mais à peine plus loin, un panneau indique la direction du Santora:
Santora signifie littéralement "les 3 tigres", d'où l'illustration. Mais surtout, il s'agit de l'hôtel de l'île, situé sur la rive opposée au port. Il faut donc traverser l'île par un chemin escarpé (p. 10):
L'hôtel se mérite! Et il est en tout point conforme à la BD, de même que la vue sur Sanagishima (p. 14). En particulier, le bâtiment devenu la chambre-télescope (p. 13) de l'auteur est facilement repérable:
On peut apercevoir, à gauche, Michiru (p. 11, p. 12), qui tient l'hôtel avec beaucoup d'énergie. Le Santora, composé de plusieurs bâtiments hétéroclites, offre un cadre plutôt agréable et reposant. Il s'agit en outre d'un des rares endroits de baignade que l'on peut rencontrer dans la région (p. 12):
La rive sud de l'île a un côté un peu hors du temps, ce qui n'est pas désagréable... De retour de l'autre côté de l'île, quelques endroits sont devenus incontournables pour tout lecteur de la bande dessinée. En particulier, le kōban (poste de police; p. 33) est toujours apprécié des amateurs d'architecture:
Comme dans le livre, l'activité semble toujours survoltée... Le Gori-Gori (pp. 42-43), salle communale, n'est pas beaucoup plus animé:
On pourrait croire que les camionnettes sont garées là depuis des années; mais la chaleur accablante était peut-être un élément d'explication du calme ambiant. En matière de véhicules étonnants, la mamie-mobile (p. 59) semble effectivement être le moyen de transport le plus répandu:
Quant au véhicule le plus remarquable, et remarqué, c'est probablement la mini-car (pp. 60-61):
On peut rajouter une mention spéciale pour les camions de pompiers, eux aussi de taille miniature (ils doivent lutter contre des tout petits incendies):
En plus des véhicules, les jardins (p. 58, p. 66) méritent le coup d'œil, avec une variété de légumes (p. 67) et une luxuriance qu'on ne trouve pas partout au Japon:
Cela donne une petite idée du mode de vie et de la qualité de l'alimentation sur l'île: les produits frais y sont nombreux. Ces potagers, plutôt fréquents sont placés sous la protection des Hokoras (p. 73), eux aussi omniprésents, parfois cachés dans la forêt:
Il est vrai que la végétation est parfois exubérante (p. 45):
Des fleurs de lotus (p. 114) arrivent même à émerger au milieu de pneus ou du béton:
Dans les villages, les maisons (p. 74), dont certaines semblent à l'abandon, ont un côté un peu suranné:
Le bâtiment le plus grand, lui aussi dimensionné pour une époque où la démographie devait être plus dynamique, est le collège (pp. 116-117):
Du côté du port, quelques installations sont la trace d'une activité actuelle ou passée. Comme dans tout port au monde, on trouve le phare (p. 83) à l'entrée:
Un peu plus loin, un vieux portique désaffecté (p. 96) a dû servir au chargement de marchandises; mais à une époque aujourd'hui révolue:
En effet, les bateaux qui accostent actuellement à Manabeshima sont plutôt de modestes bateaux de pêche (p. 98):
Je n'ai pas eu l'occasion de plonger pour admirer les poulpes et les poissons, mais de nombreuses petites bêtes se sont présentées. Le climat est plutôt propice à la prolifération des insectes ou autres petites bébêtes... Par exemple, j'ai rencontré une magnifique sauterelle (p. 3) dans les toilettes:
Les cigales géantes (p. 40) expliquent le volume sonore élevé qui règne dans la forêt:
Moins commun et plus silencieux, le capricorne (p. 46) existe aussi dans le coin:
Pour ceux qui n'ont pas de phobie, les araignées (p. 68) ont une taille impressionnante:
Quant au lézard à queue bleue (p. 49), c'est une espèce classique au Japon:
Et puis, bien sûr, les chats sont les rois de l'île. Là, impossible d'indiquer les pages (ils sont bien trop nombreux, et présents presque à chaque page!), mais la cartographie de la "géopolitique de la griffe" (pp. 62-63) permet de dénicher leurs principaux repaires:
Pour ceux qui ont déjà lu la bande dessinée, vous saviez sans doute déjà tout, et bien plus; pour ceux qui ne la connaissent pas encore (ça existe?!), allez vite la lire, c'est moins cher qu'un billet d'avion (puis de train et de bateau)! Et si vous avez la chance de visiter Manabeshima après la lecture de ce livre, vous ressentirez probablement, comme moi, l'étrange sensation d'un lieu déjà familier...
Un livre (le livre!):
Florent Chavouet, Manabeshima, 2010: mieux qu'un guide, un journal de voyage dessiné; la lecture de ce livre dispense (presque) d'y aller, tant c'est fidèle à la réalité! Et mon exemplaire a un p'tit truc en plus: