Nagasaki, contrairement à l'image que nous pouvons en avoir depuis le 9 août 1945 à 11h02, est une petite ville méridionale vivante et agréable. Comme on en parle (peu) au mois d'août, et uniquement pour rappeler la mémoire de la deuxième bombe atomique (Hiroshima, la première, semble avoir davantage marqué les esprits et les médias), pourquoi ne pas se pencher sur d'autres facettes de la ville, plus heureuses? Tout d'abord, sa fleur emblématique est l'hortensia:
L'histoire de la ville n'a pas commencé en 1945; elle ne s'est pas non plus arrêtée en 1945: en effet, plusieurs grandes étapes marquent la vie de cette cité, qui symbolise les liens entre le Japon et l'Occident. Le symbole de ces contacts est l'île artificielle de Dejima, dont voici le plan:
Les Portugais avaient été les premiers Européens à atteindre le Japon, dès 1542. Ils ont converti de nombreux Japonais de Kyūshū au catholicisme, et ont bâti des églises, dont la plus ancienne est l'église Ōura:
Après des conflits entre les Japonais convertis, soutenus par les Portugais, et le Shōgun, soutenu par les Hollandais, arrivés dans le pays en 1600, le Japon finit par se fermer presque totalement aux relations avec l'Occident (Sakoku, 1641-1853). Il reste toutefois une exception, avec l'île de Dejima, qui devient en 1640 le seul point d'entrée du pays pour les marchands hollandais et chinois (quartier aujourd'hui reconstitué, sous forme de musée):
Les Chinois se sont durablement implantés à Nagasaki et ils y ont aussi construit un Chinatown, l'un des 3 du Japon (les autres se situent à Kōbe et Yokohama):
À la fin du XIX° siècle, lorsque le Japon s'ouvre enfin aux relations internationales, c'est à Nagasaki, ville à tradition cosmopolite, qu'ont choisi de s'installer certains commerçants ou industriels occidentaux, comme l'Écossais Thomas Glover, qui a fait construire sa maison sur les hauteurs de la ville. Cette maison se visite actuellement:
Elle sert de décor à l'opéra de Giacomo Puccini, Madame Butterfly, en 1904:
Bien sûr, depuis, la bombe atomique a entraîné de lourds dégâts... La ville n'était d'ailleurs pas la cible prévue: l'avion américain, le Bockscar, devait initialement larguer la bombe Fat Man sur Kokura (aujourd'hui Kitakyūshū), mais les nuages l'en ont empêché. L'avion a ainsi modifié son itinéraire pour se rendre plus au sud... Le Parc de la Paix, qui commémore le drame, est le seul endroit de la ville où l'on ressent réellement ce qui s'est passé. Nagasaki tente d'y adresser un message de paix, avec le Prieur pour la Paix:
Ailleurs, et parfois très près, tout a été reconstruit. En particulier, la cathédrale Urakami, très proche de l'hypocentre, a été rapidement reconstruite, presque à l'identique; les statues devant l'entrée portent quand même les traces de l'explosion:
Aujourd'hui, la ville de Nagasaki conserve sa réputation de ville cosmopolite, accueillante et romantique. Les visiteurs ne manquent pas le fameux Pont à Lunettes (Megane-Bashi):
D'autres cœurs se trouvent dans les jardins de Thomas Glover... Mais il ne faut pas en dire plus ici, la recherche perdrait tout son charme!
Enfin, la ville doit aussi sa renommée à sa gastronomie, issue du brassage des différentes cultures. Dans le Chinatown, il ne faut surtout pas rater le champon:
Une chaîne de restaurants avait ouvert il y a quelques années à Kyūshū, baptisée "We are the champon" (rien que le nom, tout un programme!), mais elle semble avoir disparu depuis. Le plus sage est donc d'aller goûter cette spécialité directement sur place. Et pour le dessert, une part de kasutera, gâteau d'origine portugaise, fera l'affaire: différents parfums existent (adaptation japonaise oblige), dont le matcha.
Quelques lectures:
David Mitchell, Les mille automnes de Jacob de Zoet, 2010: sur Dejima à l'époque des Hollandais.
Takashi Nagai, The bells of Nagasaki (Nagasaki no kane), 1949: sur les suites du bombardement.
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