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samedi 6 septembre 2014

Naoshima, île artistique

La petite île de Naoshima se situe au beau milieu de la mer Intérieure. Sa fleur emblématique est l'azalée, présente sur sa plaque:
Si la plaque n'est pas spectaculaire, l'île en elle-même l'est davantage. Afin de comprendre son originalité actuelle, un petit retour en arrière est nécessaire... Dans les années 1970, phase de Haute Croissance du Japon, la mer Intérieure était principalement connue pour sa pollution liée aux activités industrielles. Naoshima ne dérogeait pas à la règle, avec la présence d'une usine de raffinage appartenant à Mitsubishi. Les autres activités étaient essentiellement agricoles (riziculture) et halieutiques (pour déguster du bon poisson des eaux polluées, donc). Toutes ces activités ont commencé à décliner dans les années 1980, engendrant un important exode rural, vers les villes proches et dynamiques (Takamatsu, Okayama) ou plus lointaines. Afin d'enrayer cette crise et de maintenir la population sur l'île, Sōichirō Fukutake, président de la société Benesse, a lancé en 1989 le programme Art House Project, abouti en 1992. Cette initiative consistait à créer des musées d'art contemporain sur l'île, avec l'architecte Tadao Andō, et de tirer parti du site lui-même pour faire de l'île une œuvre d'art. Ainsi, dès l'arrivée au port de Miyanoura, une première œuvre de Yayoi Kusama, Red pumpkin, est exposée:
Un panneau juste à côté précise qu'il est interdit d'escalader l'œuvre d'art:
J'ai d'abord pensé que la précision était inutile: qui pourrait avoir une telle idée? Mais sur le chemin du retour, j'ai compris que des parents pouvaient encourager leurs enfants à le faire:
Si le Japon crée un ministère de la délation, j'ai de quoi gagner le jackpot. Le chemin qui mène jusqu'à la pointe sud de l'île, où se trouve le Benesse House Museum, le principal musée, est bordé de petits Hokoras (mini-sanctuaires shintōs):
On y trouve aussi tout un tas d'animaux, comme des lézards à queue bleue, des araignées géantes, ou même un vilain serpent... Mais soit je n'ai pas réussi à faire de photo correcte (lézards trop rapides), soit je n'en ai pas eu tellement envie (serpent). Il faudra donc se contenter de ce criquet géant:
Dans un style moins bucolique, j'ai aussi vu des sacs géants de canettes vides:
Ces derniers éléments donnent une petite indication du climat de l'île, particulièrement chaud en été. Mais le côté artistique de ce chemin s'exprime plutôt dans les fleurs qui bordent la route:
Ces allées de nénuphars, d'azalées, de roses trémières, s'inspirent des Nymphéas de Claude Monet (dont quelques-uns se trouvent d'ailleurs dans le Chichū Art Museum), et font l'objet d'un entretien constant:
Attention tout de même: les étangs de nénuphars sont réputés dangereux! C'est du moins la mise en garde de ce panneau, face aux grenouilles et aux poissons qui pourraient y habiter:
Après une marche interrompue par de nombreuses photos et quelques bouteilles d'eau, me voici arrivée au Benesse House Museum. Dans le musée sont exposées de nombreuses œuvres, notamment d'Amadeo Giacometti, de Gerhard Richter, d'Andy Warhol... Cependant, il est interdit de prendre des photos dans le musée; et je respecte les interdictions, moi! Mais par bonheur, le spectacle ne s'arrête pas aux portes des musées. En effet, la plage est aussi décorée de sculptures de Niki de Saint-Phalle, comme Le banc:
À côté se trouve La conversation:
Un peu plus loin, sur cette même plage, on peut découvrir Cat:
Puis voici son ami Elephant:
Et enfin son autre ami Camel:
Au milieu des œuvres de Niki de Saint-Phalle figure aussi une sculpture de Karel Appel, Frog and cat:
Mais l'élément le plus connu est sans nul doute l'autre citrouille de Yayoi Kusama, Pumpkin, devenue le symbole même de l'île de Naoshima:
Le potiron jaune est si réputé qu'il orne les bus de l'île:
Malgré sa notoriété, il n'y avait pas la foule devant la fameuse citrouille jaune à pois. Je suis restée seule un moment, avant de voir arriver un homme assez âgé et son "assistant". Ils ont mis en place un trépied, l'assistant abritant le photographe de son ombrelle. Après une installation et des réglages assez longs, ils ont commencé les clichés:
C'est là que je suis restée interloquée. Le photographe avait dans la main gauche un morceau de plastique transparent, qu'il agitait devant son objectif au moment de prendre la photo. Voyant que je l'observais (et comprenant sans doute, à mon air intrigué, que je ne voyais pas trop ce qu'il cherchait à faire), il m'a expliqué et montré ses photos. En fait, il trouvait que la digue n'était pas bien jolie, donc il voulait la cacher avec son morceau de plastique. Le problème, c'est que le plastique masquait aussi les trois-quarts de la citrouille... En revanche, de nombreux artistes en herbe viennent sur cette plage pour trouver l'inspiration:
Sur la route menant au village de Honmura, des traces des activités plus anciennes sont encore visibles. Par exemple, il reste quelques rizières, mais de petite dimension:
De même, le port de pêche du village existe toujours, mais son activité ne semble pas très importante:
De retour vers le port de Miyanoura, et avant d'embarquer, je découvre que Naoshima abrite aussi le musée James Bond:
Le panneau du musée dépasse des stèles du cimetière, cela annonce tout de suite la couleur... Ce musée, dans lequel on découvre en vrac tout un tas de photos, d'affiches de films en version japonaise, de maquettes, etc., se trouve à Naoshima car l'île sert de cadre au roman The man with the red tattoo, de Raymond Benson, publié en 2002. Voici un petit aperçu:
Même si l'endroit est un peu éloigné des circuits touristiques classiques, mais assez facile d'accès depuis les ports de Takamatsu ou de Uno, l'île mérite vraiment d'être connue. En revanche, mieux vaut ne pas y dormir, car les hôtels sont relativement chers... Une occasion de s'y rendre pourrait être la Triennale d'Art Contemporain, qui se tient sur une douzaine d'îles de la mer Intérieure, dont Naoshima: prochaine édition en 2016!