L'île de Gunkanjima, au large de Nagasaki, aurait pu porter plusieurs surnoms: "île abandonnée" (mais Honjima aurait été jalouse), "île de James Bond" (mais Naoshima revendique ce titre), "île déserte", "île hantée", "île mine", etc. De son vrai nom Hashima, "île originelle", l'île est plutôt surnommée "île cuirassé" (Gunkanjima), en raison de sa silhouette évoquant depuis la mer un navire de guerre. L'existence de cette île est restée longtemps cachée, son destin paraissant tabou, mais depuis quelques années elle est devenue un véritable argument touristique. Le film de James Bond, Skyfall, tourné en partie dans les ruines de Gunkanjima et sorti en 2012, y est sans doute pour beaucoup dans cette soudaine notoriété; le classement de l'île au patrimoine de l'humanité de l'Unesco en 2015 a certainement accéléré cette tendance. Cependant, autant le dire tout de suite, je n'ai pas pu accoster sur Gunkanjima... C'est très bête, car si j'y étais allée la veille, c'était bon, mais le site a été déclaré trop dangereux et les bateaux ont dû se contenter de faire le tour à partir du jour où j'y suis allée. Tant pis! Cela signifie aussi que pour les égouts, c'est raté: impossible, même avec un bon zoom, d'explorer la thématique depuis la mer. Heureusement, le bateau fait une escale sur l'île intermédiaire de Takashima, possédant sa plaque:
Et en fin de compte, c'est à partir de Takashima que l'on peut découvrir plus précisément le destin de Gunkanjima. En effet, Gunkanjima a une histoire minière originale. Un important gisement de charbon y a été découvert en 1810; mais il faut attendre 1890, durant l'ère Meiji et l'industrialisation du Japon, pour que l'île suscite les convoitises. Mitsubishi acquiert alors le territoire et l'aménage: quelques agrandissements ont lieu de 1899 à 1931 pour atteindre une superficie de 6,3 hectares, entièrement bâtis pour en faire une cité minière. La maquette présente l'ensemble des constructions de l'île:
Le port est le point de contact essentiel afin d'exporter le charbon vers le reste du territoire japonais:
Le travail des mineurs y est présenté avec l'exposition de leurs outils et par une reconstitution de la mine:
Des peintures offrent pourtant une vision plus lugubre du site:
En effet, l'histoire de l'île a été marquée par des accidents et des incendies, entraînant la mort de nombreux mineurs. En particulier, les travailleurs coréens, venus de force pendant la période coloniale, ont payé un lourd tribut lors de ces événements. Malgré tout, la vie s'intensifie: outre la mine et les logements, l'île se dote d'une école, d'un hôpital et de tous les services nécessaires à la vie quotidienne. La population augmente jusqu'en 1959, où elle atteint le chiffre record de 5 300 habitants, soit une densité de plus de 84 000 habitants au km² (une des plus fortes densités au monde). Mais il s'agit de l'apogée de la courte histoire de l'île, puisque le pétrole remplace peu à peu le charbon comme source d'énergie, et que l'exploitation du gisement se révèle coûteuse pour le Japon, qui importe ses ressources énergétiques à moindre coût. Mitsubishi annonce la fermeture de la mine, seule raison d'être de l'île, en 1973, et les derniers habitants évacuent les lieux le 20 avril 1974. L'île est ainsi laissée à l'abandon, sans entretien et au vent des typhons, ce qui entraîne une dégradation rapide:
L'île devient alors le symbole de la désindustrialisation du pays et sa silhouette, longtemps cachée, devient emblématique:
Presque effrayante, l'île continue de hanter les eaux de la région et reste visible de loin:
Même le bateau, le Black Diamond, contribue à entretenir la légende de ce lieu étrange:
Si l'île n'était pas réellement accessible en 2019, c'est depuis tout le Japon qui s'est fermé... Alors finalement, je peux m'estimer heureuse d'avoir au moins pu y faire un tour, même de loin!
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