L'île de
Honjima se trouve dans la mer Intérieure, et elle est facilement accessible depuis le port de
Marugame, sur la côte de Shikoku. Elle est même tellement accessible que j'ai cru un instant que c'était un endroit fort animé. Dans la réalité, l'impression est (beaucoup) plus nuancée, et l'île est peut-être un peu survendue... Côté égouts, les plaques sont loin d'être extraordinaires, mais elles sont encadrées telles des chefs-d'œuvre:
Pourtant, à peine débarqué au port, une jolie installation souhaite la bienvenue sur l'île:
Il y a une vraie tentation d'y croire. Dans mon élan, je suis entrée dans le bâtiment pour demander un petit plan de l'île, un prospectus sur les visites à faire... Mais là, personne. Quelques toiles d'araignées, habitées. Et un téléphone (rose) et un annuaire qui n'ont pas dû servir depuis plusieurs décennies:
C'est là que j'ai commencé à ressentir une sorte de plongée dans le temps. L'île semble figée dans une autre époque, et vidée de ses habitants. D'après le plan géant affiché au port (et pris en photo pour me repérer), le village se situe plus au nord le long de la côte, et à mi-chemin se trouve le "monument" Shiwaku Kinbansho:
Il s'agit d'un bâtiment administratif construit en 1798, destiné à gouverner l'archipel Shiwaku, sillonné par des marins depuis l'Antiquité. Malgré ce rôle historique majeur et son attractivité touristique supposée, je n'y ai croisé personne. Enfin, si. J'ai vu la dame qui vendait les tickets à l'entrée. Sauf qu'elle dormait... Histoire de ne pas passer pour une étrangère mal éduquée et malhonnête (parce que j'aurais très bien pu faire la visite et partir sans payer), j'ai déposé les 200 Yens (prix du billet d'entrée) à côté d'elle. C'est cela qui l'a réveillée:
J'en étais bien désolée; un peu moins lorsqu'elle a grommelé des ordres sur un ton peu aimable à mon endroit, me demandant de refaire le tour avec la bande-son (en japonais). J'avais payé, j'avais droit aux explications! Un peu forcée, j'ai dû refaire un tour, en pleine canicule, sans comprendre grand-chose au discours diffusé dans le haut-parleur qui grésillait. Par chance, la dame s'est rendormie rapidement, me permettant de m'échapper discrètement. Le chemin vers le village suit la côte, et dévoile le pont reliant Honshū à Shikoku et prenant appui sur plusieurs petites îles:
Quelques petits bateaux de pêche s'activent entre les îles:
Le village, d'architecture typique et élégante, n'était pas plus animé:
En pratique, je n'ai rencontré personne là non plus. Le cimetière est sans doute plus vaste que le village, et accueille certainement plus de monde aujourd'hui:
Beaucoup de bâtiments semblent à l'abandon:
C'est aussi le cas de bon nombre de terrains anciennement agricoles:
La végétation reprend ses droits un peu partout, envahissant les voitures abandonnées au bord de la route ou les façades:
Un faux poulpe à l'air engageant m'a fait croire à un semblant d'activité humaine:
Hélas, le stand de takoyaki dont il faisait la publicité était lui aussi abandonné:
Il a cependant dû y avoir quelques activités récentes sur l'île, car on trouve des traces de la Triennale d'Art Contemporain:
Il est vrai que le moment de ma visite ne correspondait pas à une année de Triennale; néanmoins, la façade semblait quand même bien dégradée pour un événement qui avait dû se tenir 2 ans plus tôt. De même, en cherchant bien, on peut trouver des petits panneaux commémoratifs d'un marathon:
Visiblement, en matière de revitalisation des petites îles, la combinaison "événement sportif + festival artistique" témoigne d'une tentative désespérée... mais peu concluante. Si on fait le bilan, humainement, j'ai croisé une femme qui dormait et deux hommes qui pêchaient. En revanche, j'ai rencontré davantage d'insectes géants que d'humains éveillés:
Pas besoin d'avoir un objectif macro, les insectes sont réellement gigantesques. Pour la faune et la flore, Honjima est une vraie bouffée d'espoir! Cela a valu à Honjima d'être ainsi caricaturée par Florent Chavouet:
"Île aux Insectes" (Mushijima), c'est finalement plus optimiste que "Île Abandonnée", non?